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Peut-on vraiment séparer l’antisémitisme du colonialisme ?

LA FJN pose une question fondamentale, peut-être l’une des questions centrales de notre époque. Arrivés à ce point, nous disposons d’une perspective historique qui nous permet de commencer à synthétiser des éléments qui auraient pu sembler jusqu’ici sans rapport. L’histoire des agitations antisémites, des pogroms, et finalement du génocide de millions de Juifs pendant la 2eme guerre mondiale, se sont produits principalement à l’intérieur de l’espace géographique -et étendu à la sphère d’influence- de l’Europe. L’expansion coloniale quant à elle, visait les espaces des populations vivant en dehors du territoire européen. L’histoire de cette expansion, et des tragédies humaines qui en ont découlé, comme la traite triangulaire et les guerres coloniales, est aussi devant nous. Cependant, il nous faut maintenant considérer que la philosophie politique qui sous-tend ces deux évolutions tragiques demeurait la même. D’une part, les espaces coloniaux conquis étaient soumis aux décrets antisémites qui touchaient les Juifs en Europe. Pendant que le commerce triangulaire battait son plein, noir ou blanc, quiconque était surpris en train de pratiquer le judaïsme était jugé, et le plus souvent tué par l’Inquisition. D’autre part, les lois antisémites sous lesquelles les Juifs étaient placés dans l’espace européen étaient souvent parallèles à celles imposées aux nations conquises et dépossédées. Il est même possible de considérer que depuis l’époque Romaine, les Juifs de l’Empire ont servi de méta-modèle au traitement des nations conquises. Lorsque les croisades ont éclaté, cela est devenu un fait accompli. Les communautés juives qui se trouvaient sur le chemin des hordes humaines des croisés, furent d’abord anéanties, comme un avant-goût de ce qui sera fait aux infidèles et autres étrangers conquis. Des siècles plus tard, l’attitude du gouvernement de Vichy à l’égard des juifs algériens pendant la seconde guerre mondiale s’inscrit dans un continuum idéologique, qui montre que du côté du colonisateur, cet amalgame entre Juif et colonisé est évident. Dans le contexte social post-colonial, les traces de ce mélange toxique subsistent encore, sous la forme d’un rapport traumatique à l’histoire, et d’une nécessité de reconstruction identitaire. Ici commence la narration, la blessure psychologique, du complexé. Les puissances coloniales ont insisté pour montrer que le Juif, en tant que symbole du ‘conquis rebelle’ qui résiste pour conserver son identité d’origine, est mauvais. La religion a simplement et délibérément été utilisée comme un outil de pression pour ne pas avoir de scrupules: soit vous croyez comme le conquérant vous le dit, soit vous serez maudits, c’est à dire assujettis à des campagnes de haine, comme les Juifs. De nombreux peuples, qui ont été historiquement conquis par la brutalité religieuse, débattent encore ces idées, ancrées par des siècles de domination mentale. Car ils ont été traités ‘comme des Juifs’. L’Etoile Jaune est l’entrée dans la zone des exclus, par délibération et par un consensus autour du sens qu’on donne a l’histoire du rapport a l’autre. Il faut lire les pensées de grands esprits, tels que l’empereur Hailé Sélassié, W.E.B. Dubois, et le Révérend Martin Luther King, ainsi que d’autres vrais humanistes, pour saisir l’étendue des ravages psychologiques, que la conquête coloniale et son idéologie raciale ont laissé sur l’âme de l’humanité. Haïti, en tant que nation qui a connu l’oppression esclavagiste de plein fouet, et qui s’est libérée de la domination coloniale depuis longtemps, a saisi l’équivalence nécessaire. Pendant la deuxième guerre mondiale, alors que l’Europe, et même l’Amérique, laissaient les Juifs à leur sort et renvoyaient leurs bateaux en Allemagne, sachant que les passagers seraient tués, Haïti a compris la communauté de destin, a envoyé des passeports aux Juifs et leur a offert un refuge. L’Allemagne vient de reconnaître sa responsabilité dans le genocide des Herero.  La France vient de reconnaître la sienne au Rwanda. La Belgique sa part au Congo. Peut-on vraiment séparer le colonialisme, sa transformation en racisme anti-noir, et l’antisémitisme? Est-ce historiquement possible ?

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