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L’Etat hébreu fêtera ses 70 ans le 14 mai

L’Etat hébreu fêtera ses 70 ans le 14 mai. Toutefois, le projet de sa création remonte au début du XXe siècle. Les premiers sionistes cherchaient alors une terre d’asile en Afrique. Et croyaient bien l’avoir trouvée.
Au printemps de l’année 1903,cela fait des mois que Theodor Herzl enchaîne les rendez- vous avec Joseph Chamberlain, le ministre britannique des Colonies, à qui il réclame un territoire pour son peuple. C’est la grande quête de ce journaliste austro-hongrois, qui vit les foules parisiennes hurler « Mort aux juifs ! » pendant l’affaire Dreyfus, en 1894.
Emblématique d’un nouvel antisémitisme, elle marqua profondément Herzl. Et lui insuffla l’idée que si même le pays des droits de l’homme pouvait connaître de tels errements, la seule solution pour mettre fin aux agressions que les juifs subissaient était la création de leur propre Etat. Ce qu’il théorisa dans un livre, avant d’organiser à Bâle (Suisse), en août 1897, un congrès fondateur où fut adopté un programme visant à « établir pour le peuple juif une patrie en Palestine ».
Dès lors, en tant que président de l’Organisation sioniste mondiale, il multiplia les contacts diplomatiques, et se vit opposer une fin de non-recevoir du détenteur de ladite Palestine, le sultan de l’Empire ottoman. Une première fois en 1898 puis, à nouveau, en 1902. Cette année-là, il rencontre aussi Chamberlain, espérant se voir octroyer une partie du Sinaï égyptien, territoire sous tutelle britannique. Sauf que Londres n’entend pas la céder. La requête est dans l’impasse quand, les 6 et 7 avril 1903, survient le premier pogrom de Kichinev. Dans un Empire russe qui compte 5 millions de juifs, 47 d’entre eux sont tués, plus de 500 sont blessés, et 700 maisons et boutiques de juifs sont pillées et détruites. Face à ce regain de tension très sanglant, Chamberlain ressent le caractère vital de la demande d’Herzl et lui offre une terre d’accueil, mais pas celle qu’il attendait. Elle se trouve loin de la Palestine, en Afrique, dans une région appelée Ouganda.
Herzl fait sienne la proposition anglaise
Les 6 et 7 avril 1903, le premier pogrom de Kichinev, dans l’Empire russe, cause la mort de 47 juifs. (Titwane pour Le Parisien Week-End)
Les massacres de Kichinev rappellent au leadeur sioniste l’état d’urgence dans lequel se trouvent tant de ses coreligionnaires. Il redoute de nouvelles exactions, et ne peut négliger l’offre anglaise. Il la reprend à son compte et soumet à l’organisation sa propre proposition consistant à créer en Afrique « la première colonie d’Israël (…) Les prémices de Sion ».
Lors du 6e Congrès sioniste, en août 1903, l’idée est d’abord accueillie avec enthousiasme. Mais une opposition émerge vite du côté des délégués russes, pourtant les premières victimes des pogroms. Ils refusent un Etat juif ailleurs que sur la terre biblique.
En revenant dans la salle du Congrès, ils s’assoient par terre en signe de deuil du retour vers Sion. « Les arguments des opposants sont uniquement romantiques », déplore dans son allocution Nahman Sirkin, penseur du sionisme socialiste.
Eviter une scission qui serait fatale
L’expédition de 1905 pour trouver une terre au peuple juif explore le Kenya. (Titwane pour Le Parisien Week-End)
Comme en atteste l’attitude des juifs russes, une population qui fuit chaque année par dizaines de milliers la misère et les persécutions, l’aspiration sioniste dépasse largement la volonté d’émigrer. Soucieux de ne pas aboutir à une scission qui pourrait être fatale, Herzl renonce à ce que le Congrès se prononce sur sa proposition. Il ne soumet au vote que celle d’envoyer en Afrique une expédition pour étudier la faisabilité d’une colonisation. Par 295 voix pour, 178 contre et 98 abstentions, l’assemblée valide cette option non engageante.
Présent au Congrès, un certain Léon Trotski en fait le compte rendu dans un article qui paraît le 1er janvier 1904 dans l’Iskra, l’organe du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, un journal marxiste dirigé par Lénine. Il y voit « une manifestation de désintégration et d’impuissance » d’un mouvement sioniste « condamné à perdre dans l’avenir tout droit d’exister ». Sa vision radicale atteste du différend majeur engendré par un projet africain, qui semble par ailleurs au point mort.
L’expédition n’a pas encore trouvé de financement, et le mensuel L’Echo sioniste, dans son numéro de janvier, assure être « en mesure d’affirmer d’une manière officieuse qu’il ne sera plus question du projet de l’Ouganda ». Mais, en mars, ce même journal fait machine arrière. « La lutte va reprendre, plus âpre, peut-être plus violente que jamais », promet-il, relevant que « M. Herzl lui-même n’a pas soupçonné toute la gravité » d’une affaire qui menace « le sionisme palestinien ».
Le leader a beau réaffirmer que l’Afrique ne serait qu’une étape, un pont salutaire vers Sion, rien n’y fait. Et quand Max Nordau, fidèle parmi ses fidèles, tente de définir cette escale territoriale comme un « asile de nuit » pour le peuple juif, il se fait agresser par un étudiant russe qui lui tire dessus en criant : « Mort à Nordau l’Africain ! »
Dans cette atmosphère délétère, Theodor Herzl meurt, le 3 juillet 1904, des suites d’une bronchite et surtout d’épuisement, à 44 ans. Les attaques dont il a fait l’objet l’avaient terriblement affecté. Chez les sionistes, sa disparition provoque un effroi collectif. Mais, passé la stupéfaction, la querelle reprend de plus belle.
En novembre, une tribune intitulée « Le Vrai Danger » paraît dans L’Echo sioniste, alertant sur ces « agitateurs qui ont pris le nom de territorialistes et qui veulent faire dévier notre mouvement » en misant sur la constitution d’un Etat juif « en Afrique, en Australie, au Brésil, en Argentine ou ailleurs ». Leur exclusion est demandée.
Les partisans de la solution africaine publient leur réponse : « Il est scandaleux que l’offre généreuse anglaise suscite ces divisions », alors que des millions de Juifs sont menacés en Russie. « Patience, les affamés, les rassasiés vous demandent d’attendre », fustige ce texte titré ironiquement « Nos purs ». Et de se conclure par : « Les partisans du tout ou rien sont plutôt partisans du rien du tout. »
Une expédition part enfin en 1905
Débat houleux lors du 7e Congrès sioniste, en 1905. Une résolution rejetant « toute colonisation en dehors de la Palestine et des pays voisins » est finalement adoptée. (Titwane pour Le Parisien Week-End)
Au début de l’année 1905, la fameuse expédition rallie enfin l’Afrique de l’Est et un territoire anglais situé, non pas en Ouganda, mais sur les plateaux du Kenya, à une altitude avoisinant les 2 000 mètres. Trois hommes font le voyage : le major Gibbons, un explorateur britannique, Alfred Kaiser, un Suisse conseiller scientifique d’une société au Cameroun, et Nachum Wilbuschewitz, un ingénieur russe, le seul juif de l’équipe.
Ce dernier effectue sa première visite en Afrique, et se perd au bout d’une semaine. Il lui en faut une autre pour retrouver ses deux acolytes, et il n’ose plus ensuite quitter le camp principal. Autant dire qu’il n’a pas vraiment pu appréhender cette terre dont le climat est propice à l’agriculture.
Un argument de poids pour le major Gibbons, qui rend un avis favorable à la colonisation juive, contrairement à Wilbuschewitz. Mais le Russe exprime davantage sa foi dans le sionisme palestinien qu’il ne livre une analyse du terrain.
Décisif, le point de vue de Wilbuschewitz est assez similaire à celui exprimé par Chaim Weizmann, chef du parti sioniste Fraction démocratique, le 9 janvier 1905, lors d’une rencontre à Manchester avec Arthur Balfour, le Premier ministre britannique. Celui-ci est subjugué par l’inébranlable volonté du jeune sioniste, qui refuse d’accorder la moindre attention au projet ougandais, lui rappelant que les juifs possédaient Jérusalem quand « Londres n’était que marécages ».
Six mois plus tard, le 7e Congrès sioniste consacre trois jours à l’examen de cette question. La présentation du rapport défavorable de l’expédition est suivie d’un débat plus que houleux. La frange territorialiste porte son leader Israel Zangwill en triomphe, mais se retrouve en nette minorité quand est finalement adoptée une résolution rejetant « toute colonisation en dehors de la Palestine et des pays voisins ».
Zangwill demande alors la parole, qui lui est refusée. « A la clôture du précédent Congrès, déclare-t-il dans une cohue générale, le docteur Herzl m’a dit : “Le 7e congrès sera le dernier.” Je crois qu’il en sera ainsi. »
Finalement, en créant l’Organisation juive territorialiste, qui acte la scission de l’Organisation sioniste mondiale, Zangwill ne provoqua pas sa disparition. Et s’il rechercha, en vain, une terre pour les juifs, leur destinée palestinienne prendra corps après la chute de l’Empire ottoman et la déclaration Balfour de 1917, acte par lequel celui qui est devenu ministre des Affaires étrangères britannique envisage favorablement l’établissement d’un foyer juif en Palestine.
C’est l’année où Trotstki prend le pouvoir avec Lénine en Russie, et voit son pronostic démenti. L’Etat hébreu déclarera son indépendance le 14 mai 1948, avec Chaim Weizmann comme président. En Palestine, et pas en Ouganda.

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