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Les tribus berbères judaïsées

En l’an 722 avant l’ère courante, les Assyriens détruisirent le royaume d’Israël et exilèrent ses dix tribus. Le prophète Amos reproche aux Tyriens (dénommés par la suite Phéniciens) de ne pas s’être souvenir de l’alliance conclue depuis l’époque du roi Salomon et d’avoir vendu une diaspora entière à l’Occident, c’est-à-dire les îles grecques et les comptoirs tyriens de la Méditerranée et de l’Atlantique. De fait, les légendes entretenues par les Juifs du Sud marocain font état d’une présence juive datant de l’époque du Premier temple (détruit par les Babyloniens en 586 avant l’ère courante).
Lorsqu’Alexandre le Grand conquit l’Égypte, son successeur Ptolémée dépêcha des garnisons juives à Éléphantine au sud de l’Égypte et en Cyrénaïque. Ces dizaines de milliers de soldats s’y installèrent tout en vivant d’élevage et d’agriculture, loin de l’influence culturelle des grandes académies rabbiniques de Babylonie. Lorsque le Temple de Jérusalem fut détruit par les Romains en 70, une grande partie de la population judéenne fut exilée. On compta 30 000 esclaves judéens à Carthage seulement (et une grande partie des 40 000 esclaves employés à la construction du Colisée à Rome furent sans doute des Judéens). À cette époque, les Juifs de la diaspora se consacrèrent au rachat des exilés.
En l’an 115, une révolte éclata en Libye et se propagea à Alexandrie puis en Judée. Cette révolte fut réprimée en Judée par Hadrien (Jérusalem fut passée au soc de charrue) et aussi à Alexandrie et en Libye. Des centaines de milliers de juifs libyens abandonnèrent leurs cités et allèrent se réfugier au sud du limes romain, et notamment dans le Sud marocain. Suivront des siècles de cohabitation judéo-berbère. Le christianisme évolua également en Afrique du Nord alors que l’Empire romain d’Occident ployait sous les attaques successives de Huns, de Goths et de Lombards. Les historiens berbères et arabes (El-Adouani, Ibn Khadoun) listent un grand nombre de tribus juives au moment de la conquête arabe. Seraient-elles des tribus berbères judaïsées ou des tribus juives berbérisées? La recherche n’a pas encore dit son dernier mot.
Ainsi, un judaïsme non rabbinique – différent de celui de Carthage qui était en contact avec les académies talmudiques babyloniennes – évolua en Afrique du Nord. De fait, il devait être difficile de différencier entre les Juifs et leurs voisins berbères. L’opposition à la conquête arabe fut menée par les tribus chrétiennes commandées par Koceila puis la reine judéo-berbère El Kahéna. Elle appartenait à la tribu des Djeraoua (pluriel de Djer ou guer signifiant converti en hébreu). Son nom signifie prêtresse, car on lui attribuait des pouvoirs occultes (les Arabes furent sur le point de rebrousser chemin, mais ne voulaient pas s’avouer vaincus par une femme). Elle devint impopulaire, car elle pratiqua la politique de terre brûlée pour décourager les envahisseurs. Trahie par son fils adoptif arabe, elle mourut au combat. Les conquérants arabes proposèrent aux vaincus la conversion ou la mort et c’est ainsi que de nombreuses tribus berbères s’islamisèrent et participèrent en grand nombre à la conquête de l’Espagne en 711 de l’ère courante. Une partie des judéo-berbères demeura attachée au judaïsme et s’amalgama avec les Hébreux des différentes vagues d’immigration : celle de l’époque du Premier temple, celle des colonies juives de Libye installées par la dynastie grecque des Ptolémée et celle de l’exil des Judéens par les Romains.
Toujours est-il qu’une présence juive jusqu’aux temps modernes a été attestée en Kabylie et notamment dans l’Atlas et le Sous marocains.
Il est intéressant de noter que la Kahena fut toujours considérée comme étant de confession juive ainsi qu’il est statué de façon explicite par l’historien maghrébin Ibn Khaldoun. Mais sa résistance à l’invasion arabe est chargée de symbolisme. Aussi, les Français d’Algérie avancèrent l’hypothèse qu’elle était chrétienne, dans le cadre d’une politique de désunion des Berbères et des Arabes d’Afrique du Nord. Au XXe siècle, les musulmans en firent une païenne ou même une musulmane. La réécriture de l’histoire a été et demeure le talon d’Achille de certains historiens ou nationalistes arabes qui décident de dénigrer l’histoire pour émettre des théories douteuses, tant le profil de la Kahena, reine libre et combattante, ne correspond pas à la condition historique du juif soumis et humilié ni même celle du berbère colonisé.
De nos jours, bien des Amazighs (nom d’origine des Berbères) et des Juifs d’Afrique du Nord éprouvent une empathie réciproque.

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