Il faut se rappeler, et rappeler sans cesse aux autres, le fait que les Juifs ont été accusés par les suprémacistes blancs, de n’être autre que les importateurs de sang négroïde dans l’arbre génétique européen. Ceci fut l’excuse, l’argument, l’aspect purement racial pour justifier à leurs yeux la persécution de ceux-ci.
La race blanche selon ces théoriciens eugénistes était menacée de batardisation. Selon leur pseudo science, les traits physiques des Juifs les identifiaient à des stéréotypes négroïdes.
Ce genre de stigmatisation était parmi les arguments utilisés par les fascistes italiens pour établir les premières lois antisémites d’état. Celles ci ont été reprises par les Nazis avec le résultat qu’on connaît.
Prenons notre temps pour considérer ces choses.
Derrière la peur du Juif c’était la peur du Noir qui était dans l’ombre.
Rappelons nous.
Pendant les siècles des Croisades, les Juifs étaient considérés, ou toujours soupçonnés, d’être des alliés des Maures, les ‘Sarazins’ venus d’Afrique.
En plus d’avoir une langue, une manière d’écrire, un vestimentaire, un régime alimentaire et même des croyances proches de celles des Maures, les Juifs d’Europe avaient aussi un réseau de communication avec le monde des Maures l’Afrique, le Maghreb, et le Moyen Orient.
Les Juifs furent expulsés d’Espagne dans l’Edit contre les Maures.
Le discours de racisme ethnique, qui divisait l’axe Nord du Sud de la Méditerranée, devint pendant les Croisades le pain quotidien de la propagande officielle, jusque à la fin de l’inquisition.
Avant les Croisades, le discours raciste d’Etat n’existait pas.
Cette habitude de couper l’axe Nord Sud entre soi disantes races de dominants et de dominés, s’est éventuellement étendue aux amérindiens après les Croisades. Eux aussi subirent le statut d’Africains, dans le traitement qu’ils recurent de la part des Conquistadors. Ceux ci venaient de finir la « Reconquista » de l’Espagne, des mains des Maures, parmi lesquels figuraient de nombreux Juifs.
Ayant survécu longtemps après les Croisades, le discours de l’inégalité des races, courant dans l’Europe du XIXe Siècle, servait à merveille l’idéologie économique du Colonialisme.
En conclusion, les nations de soi disants ‘inférieurs’ devaient devenir des domestiques économiques au service des races aux cultures ‘supérieures’. Le Noir, ou tout ce qui y est associé, ses terres, sa culture, sa musique, ses ressources et son labeur, deviennent conquis ou découverts par le blanc dans un narratif déshumanisant pour le Noir.
Dans ce contexte richesse, succès, et modèles de références sociales, sont tous naturellement liés à la race ‘supérieure’, le conquérant blanc.
Le Noir ou le Juif, qu’il soit riche ou pauvre, sont la même menace, car pour le raciste, ils ne sont qu’un.
Dans le cas du Juif à la peau claire, le raciste cherche et identifie en lui l’objet de sa haine, le Noir.
Le Juif ne sera jamais accepté comme blanc par le raciste. Son statut d’inférieur a été confirmé et glorifié pendant les Croisades, a l’aube des massacres justifiés par la différence raciale.
La souffrance des inférieurs dans ce cadre est un purgatoire nécessaire pour être tolérés par les supérieurs. L’inférieur doit payer par sa souffrance le fait de ne pas être né dans la race supérieure.
La joie du dominé doit être ridiculisée, sa tradition dénigrée et démonisee.
Pour l’histoire des Noirs cette réalité est consistante depuis les Croisades, avec des périodes de répit qui n’on jamais dépassé quelques décennies.
Rappelons nous.
Quand Mussolini voulut entrer en guerre avec l’Ethiopie, il disait que l’Italie ne faisait que revenir à la bataille d’une guerre qui avait commencé bien avant.
Même si l’Italie avait déjà perdu une guerre contre l’Ethiopie quelques décennies auparavant.
Les Juifs d’Italie ayant bruyamment proteste contre la guerre, et contre les discours racistes que Mussolini tenait pour la justifier, ceux ci furent accusés de traîtrise, et les premières lois d’état antisemites furent votées et implementees. L’Allemagne nazie se basa sur ce précédant pour établir ses propres lois antisemites, et les appliquer sur tous ses territoires conquis, y compris la France occupée, et ses colonies.
Mussolini avait déjà pointé les Juifs en tant que Negroides.
L’image du Juif décrite par les journaux et posters fascistes est celle d’un homme à la peau brune, aux cheveux frisés au large nez et grosses lèvres. L’outrage est qu’il s’habille comme un blanc riche. Dans son naturel il est montré comme le pauvre, sale et misérable du Ghetto.
Souvent dans ces caricatures, cet homme séduit une femme blanche , montrée comme pure et innocente.
Dans un tel cadre, comme le disait Marcus Garvey, etre Noir est une catégorie sociale. La race, en compétition avec une autre, est simplement un concept inventé pour masquer le pillage, et justifier l’injustifiable.
Ceux qui font partie de cette catégorie sociale mise systématiquement en position d’infériorité, ont des histoires inimaginables de violence perpétuée à leur encontre.
Parmi ceux qui ont été accusés d’avoir du sang Noir dans leur veines furent les Tziganes et Roma. L’Europe souffre encore de cette crise basée sur des préjugés raciaux dans de nombreux pays.
Les Africains savent qu’ils sont le fond de la marmite dans tous les discours de haine.
C’est le destin des Africains d’avoir représenté tous les êtres humains qui ont eu à souffrir de discrimination.
On ne fera jamais plus, dans ce domaine que ce qui a été déjà fait aux Africains au cours de l’histoire, à cause de leur prétendue ‘race’.
Ce dont le peuple Juif a souffert pendant la seconde guerre mondiale est un exemple stupéfient
de la manière dont on traite ceux qu’on accuse d’être de ‘race’ africaine.
Il aura suffit de créer cette association pour justifier un genocide.
Les lois qui ont conduit à permettre ce genocide ont été promulguées dans la frénésie de campagnes anti noires.
Les Juifs étaient accusés par la presse italienne de défendre des « singes » contre l’homme supérieur de race pure, l’européen.
Le Juif étant de sang Negre, il est donc traitre et collabore avec son frère, l’ennemi, qui n’a pas d’âme, l’Ethiopien.
Des millions d’enfants ont périt parce que suspects de porter des gènes noires dans leurs veines.
Les eugénistes supremacistes ne se sont pas reposés pour accomplir leur funeste tâche.
Le monde entier essaye de s’éveiller de la torpeur du racisme qui a sévit pendant des siècles.
Apres la fin de la 2 e guerre mondiale, une nouvelle réalité a commencé à voir le jour.
Les grandes voix du Panafricanisme ont parlé au monde, qui a entendu par eux pour la première fois la voix de l’Africain.
Ce message humanitaire avait commencé à retentir dans le monde depuis le discours historique de l’Empereur Haile Selassie I devant la Ligue des Nations. Un Africain parlait au monde. Appelait le monde a s’éveiller du cauchemar du racisme avant qu’il ne soit trop tard.
Plus tard Haile Selassie est arrivé à vaincre Mussolini, et éventuellement les fascistes allemands ont aussi perdu, mais le prix payé en vies humaines
a dévasté de nombreux pays du monde.
De l’autre côté du Pacifique, le Japon menait une guerre raciste contre de nombreux peuples asiatiques jugés inférieurs. Ici aussi le discours fasciste était fait pour favoriser le pillage des nations par le biais de campagnes d’humiliation.
Partout les Japonais utilisaient la couleur de peau claire comme indicateur de leur supériorité, et brune comme inférieure.
Même chose en Inde, les intouchables Dalit étaient discriminés suivant les mêmes critères, appartenance à la race « Noire ».
Jusqu’en Afrique, les dérives du racisme anti Noir a nourri des conflits inter ethniques, depuis longtemps.
Le Rwanda est tristement célèbre par sa tragédie, et a pu se relever spectaculairement.
Ses trop nombreux martyrs ont subi les retombées du discours racial, qui survivait de la cicatrice laissée par la blessure de la période coloniale.
Même dans un cadre interne, le schéma est le même. Ceux mis dans la position de Noirs peuvent être opprimés, utilisés, ou instrumentalises.
Plus de 10 millions de personnes ont disparu dans le genocide à l’Est du Congo RDC, dans la région des Grands Lacs.
Ceci depuis les années 1990.
Est ce du au fait que les victimes soient Noires que leur memoire ne mérite pas d’être retenue dans la conscience du monde?
Pour comprendre ce qui est arrivé aux Juifs pendant la 2e guerre mondiale, il faut aussi apprendre ce qui est arrivé aux Herero en Namibie, entre 1904 et 1908, la première infamie génocidaire du 20eme Siècle.
Les armes chimiques et biologiques utilisées contre les éthiopiens par l’armée italienne.
Tout ceci appartient au même contexte historique.
L’obsession avec la pureté raciale a une histoire sanglante et destructive.
L’esprit véritable de la Religion ne tolère pas le racisme.
Haile Selassie était Chretien. Mohammed V était Musulman.
Ils ont combattu ensemble les fascistes jusqu’à la victoire. Cette victoire est devenue la levée de la dignité humaine partout dans le monde. Avec la reconnaissance de l’indépendance des États Africains et la fin du colonialisme, c’est l’humanité entière qui a bénéficié.
Glisser du nationalisme au racisme est trop facile.
Les dérives sémantiques sont prêtes à être utilisées. Elles datent du Moyen-Age.
Les lynchages de Noirs des années 1950 ne sont pas sans rappeler les exécutions des Juifs par l’Inquisition.
Celles ci ont duré jusqu’au 19e Siècle en Amérique latine.
La tradition juive est pleine de références à l’Afrique. Ce sont ces références qui ont identifié les Juifs comme des étrangers pour ceux qui cherchaient à les exclure ou profiter d’eux.
On a inventé une catégorie, les mulâtres, qui ont subi le même ostracisme, avec en plus celui de la suspicion d’être des traitres aux yeux de nombreux autres Noirs.
Le racisme laisse partout des blessures.
Même entre les victimes de la segregation, on rencontre des perpétuations de dominance et de blâmes.
Combien de temps met-on à se relever de l’oppression?
On devient impatient, et souvent on reproche à ceux qui viennent à peine de sortir du tunnel de ne pas faire des miracles.
Hier encore dans de nombreux pays d’Europe, un Juif était un extra national sans papiers d’identité, comme un Africain à l’époque des colonies dans son propre pays.
Au même moment ou on a reconnu l’Africain, on a reconnu le Juif, et il a aussi bénéficié de citoyenneté égale dans des pays ou pendant des siècles il n’était pas reconnu.
Si c’est ensemble, dans les mêmes décennies de l’histoire que les Juifs et les Noirs ont eu leur droits reconnus, de citoyens égaux aux autres, c’est parce que le système qui éloignait d’eux ces droits les voyaient comme une seule et même chose.
Pour les Juifs Noirs, être une catégorie sociale aux yeux des autres n’est donc pas étonnant. Cependant ils sont fiers de porter le message de leur existence. C’est dans l’océan d’immensité qui existe hors de l’espace étroit du jugement qu’ils vivent. Dans la richesse de la liberté que leur donne l’amour et la Sagesse.
Poème:
« Seul le Noir a un regard dans lequel il n’y a pas de Noir. C’est la lumière qui nous voit, qui crée toutes les couleurs. Nous ne voyons rien. Quand le coeur meurt, il s’attache au corps. Une main qui n’aide pas est sèche. Apprend à aimer et tu viveras. Fais répéter ton coeur, tout enfant né a droit au bonheur. »
Après le déluge de propagande qui déferla sur l’Europe, l’enfant Juif fut deporte vers les camps.
Il était disposable, comme un enfant Noir du Congo a l’époque de Léopold 2 de Belgique.
Comme un enfant Tutsi pendant le genocide du Rwanda.
Comme un enfant Noir en Amérique pendant la période du commerce triangulaire.
Un être humain sans droits, sans dignité, victime de siècles de propagande guerrière.
On demande au Zimbabwe de passer du cauchemar de la Rhodesie à une vie normale et prospère en une génération?
Les enfants de demain, qui emprunteront la route tracée par les humanistes panafricains, sauront faire la différence entre progrès et régression, les forces de l’union et celles de la division.
Pour eux ce sera encore plus évident que pour nous, car le monde dans lequel ils sont nés a déjà dénoncé et rejeté la stupidité du racisme.
Ils devront tous pouvoir et savoir se reconnaître dans le miroir du Noir.
Les origines anti-Noires de l’antisemitisme. A.Habib
