Le mouvement dans l’histoire du Judaïsme qui a produit le plus grand nombre de « Maîtres de la liberté » était le mouvement Hassidique. Car ces Maîtres enseignaient l’art de devenir des êtres libres parmi les conditions les plus incertaines, et souvent les plus opprimantes.
Ces Maîtres ne parlaient pas que pour leurs disciples, ou uniquement pour les Hasidim en général. Leur enseignement pouvait s’appliquer à toutes les catégories sociales.
La condition humaine qu’ils révélaient, contenait le potentiel à l’accès aux plus hauts points de spiritualité, à partir de la réalité telle qu’elle se présentait à chacun, et non pas basée sur une optique de certitude politique ou philosophique liée à une vision idéologique. Rabbi Levi Isaac de Berditchev était un de ces Maîtres, dont l’enseignement, reposant sur l’amour et non la pitié pour les plus démunis spirituellement et matériellement, a laissé des traces légendaires dans le psyche du peuple Juif jusqu’à nos jours. De nombreux luminaires ont surgit de l’espace intellectuel et culturel du Hasidisme. Rabbi Nahman de Breslev a acquis la position d’un point de repaire central dans l’approche du cadre général de la pensée Juive, telle que racontée par elle-même.
Pourquoi cet enseignement, datant du 18ème siècle, parle-t-il encore à l’être social du 21eme siècle ? Et pourquoi cela touche des esprits au delà des définitions d’observance ou de sécularité ? C’est justement parce que ces enseignements, nés dans l’exil et l’oppression, cherchent à atteindre un niveau de libération qui n’est affecté ni par l’exil ni par l’oppression, et qui doit être intégré par chacun a son propre niveau.
L’enseigement du Hasidisme a pour but de conduire l’individu à la « Devekout », l’attachement à la Divinité Une et Indivisible. Pour ceci l’individu doit dépasser le « Yesh », l’illusion d’existence indépendante et arbitraire, et parvenir au « Ayin », le sentiment de connectivité totale par l’absence d’ego qui permet le retour de la spontanéité.
Ceci est fait par les deux axes de la joie et de l’amour de son prochain. La simplicité des moyens est aussi très importante. Elle permet d’avoir accès à des espaces méditatifs que nous ignorons par ego de sophistication. Aussi, apprendre à se raffiner spirituellement par les choses qui nous dérangent, en leur accordant une place honorable dans notre évolution, est un travail constant. Ceci cultive la patience et la longanimité, qui semblent impossibles à atteindre tant que le « Yesh » domine encore la pensée. L’idée de fonder des communautés autour de ces enseignements a eu un impact révolutionnaire sur la culture Juive. Les hiérarchies arbitraires se retrouvent dans un espace qui permet finalement de les questionner. Les plus munis matériellement, comprenaient qu’ils avaient besoin de ceux qui savent vivre humblement, pour apprendre le sens spirituel du chemin de l’existence. Les Maîtres Hassidiques étaient très engagés socialement, et traitaient en permanence sur le sujet vital de l’entraide, afin de créer des îles d’humanité dans un contexte hostile. Les Hasidim vivaient dans les ghettos de l’époque, en millions d’apatrides, conscients de leur statut social, leur singularité culturelle et leur sentiment de destin partagé. Ce que les enseignements doublement sauveurs du Hassidisme ont introduit c’est que la spiritualité n’est pas freinée par les contingences réductrices de l’existence humaine, et aussi que l’amour de son prochain est cause suffisante pour enclencher une véritable transformation spirituelle et sociale. Le Baal Shem Tov, qui a initié la mouvance Hassidique, a directement impliqué l’esprit et l’âme du peuple des ghetto dans l’articulation de sa spiritualité. Il faut non seulement l’étude, mais aussi la danse et le chant pour entrer en contact avec l’âme et le potentiel du peuple. Il faut connaître l’art de raconter, de guérir par la narration qui rend à la personne sa capacité d’aimer. Aujourd’hui plus que jamais, les enseignements de ces grands Maîtres peuvent servir à mieux comprendre une condition générale de déplacement de valeurs humaines, et d’exil dans un paysage oppriment de consommation et de fragmentation. L’isolement généralisé des catégories sociales par le biais du « Yesh », appelle à une reconnexion. Mais ceux qui pensent que les enseignements du Hassidisme ne concernent que les orthodoxes pratiquants, ou qu’une période historique révolue, ne réalisent pas l’étendue de leur portée.
il y a une grande confusion entre orthodoxie et hassidisme. Le hassidisme a été une révolution sociale considérable qui a sorti les juifs de l’époque dans une situation de dépression permanente, associée à celle de culpabilité. Les enseignements de Nachman ont été curatrices, reconstructrices :
Dans la liberté de choix,
Il n’y a rien de bien mystérieux.
Vous faites ce que vous voulez faire
Et vous ne faites pas ce que vous ne voulez pas.
(LM. Il. 110. )
Y a-t-il une chose que vous vouliez réellement ?
Y a-t-il un événement dont vous souhaitez vraiment qu’il survienne ?
Concentrez toute votre attention sur cet événement ou sur cette chose.
Visualisez-la dans les moindres détails.
Si votre désir est assez fort et votre concentration assez intense,
Vous parviendrez à la rendre réelle.
(RNW, 62.)
Ne désespérez jamais, au grand jamais !
Il est interdit d’interdire d’espérer.
(LM, Il, 78.)