(Source: L’Univers israélite, 11.12.1918 – Gallica)
Pour les israélites français, la guerre aura commencé en un jour de deuil et se sera terminé à la veille d’une fête : la mobilisation générale a débuté à Tich’a-beab et les hostilités ont pris fin aux approches de Hanouca.
Au 2 août 1914, notre enthousiasme et nos espérances patriotiques ne pouvaient nous faire oublier que la guerre est toujours un malheur pour l’humanité et quelquefois pour la patrie : le 9 Ab ne commémore-t-il pas la défaite, l’écrasement et la ruine d’une nation ? Dieu soit loué : une victoire éclatante couronne aujourd’hui quatre ans de sacrifices et nous pouvons célébrer Hanouca cette année avec une joie d’autant plus vive qu’elle fut plus longtemps contenue. C’est une heureuse rencontre que celle qui ramène Hanouca au moment où nous célébrons la victoire de la France. Jamais fête ne nous aura paru plus opportune, car de toutes les fêtes juives, c’est la seule qui évoque des souvenirs de gloire militaire et de victoire nationale.
Comment s’empêcher d’allumer la Menora en pensant aux illuminations de la victoire, de chanter le Hallel comme notre Te Deum et de saluer Hanouca comme dans l’ancienne France on criait « Noël ! » Comment ne pas comparer Juda Maccabée et ses preux chassant l’envahisseur et libérant le territoire, à nos chefs géniaux et à nos héroïques soldats, Guillaume II à Antiochus Epiphane, le souverain orgueilleux et fantasque d’un empire de proie échafaudé sur les ruines d’un autre empire et s’écroulant dans la débâcle et dans l’anarchie ? Ces rapprochements prennent une signification réelle et profonde, et non plus fortuite et conventionnelle, si nous considérons les idées qui sont au fond de la révolte des Maccabées comme de la Grande Guerre. Oui, en 1914 comme en l’an 165 avant l’ère vulgaire, le choc des armes ne fut que le retentissement du conflit de deux idéaux, de la lutte entre deux « conceptions du monde » ; la liberté contre la tyrannie, la justice contre l’iniquité, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes contre l’oppression des nations faibles par les empires puissants. C’est parce que Juda Maccabée était animé par ces nobles mobiles que son triomphe est resté acquis à l’histoire universelle. C’est parce que nous avons conscience que notre pays luttait pour la liberté et pour la justice que nous sommes heureux et fiers de sa victoire, qui libère même les vaincus.
Mais nous devons pousser plus loin ce parallèle entre le passé et le présent. La liberté pouf laquelle Juda Maccabée a lutté et vaincu était surtout la liberté religieuse et c’est la religion qui est sortie victorieuse de la lutte. Le premier et le second Livre des Maccabées rapportent que le premier soin des vainqueurs fut de rentrer dans la Ville sainte et de rétablir le vrai culte dans le Temple et que les Judéens célébrèrent alors la solennité avec d’autant plus d’ardeur que pendant plusieurs années ils avaient été dans l’impossibilité de l’observer. Si nous avons été empêchés par la guerre de remplir nos devoirs religieux, la victoire nous libère : redoublons de piété et de ferveur. Ainsi, nous serons vraiment fidèles au souvenir de Juda Maccabée et à l’esprit de la fête. N’oublions pas que Hanouca signifie « Inauguration » et rappelle la Restauration du Culte.
(Sources : Aumônerie Israélite des Armées)