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Entrevue avec Jacob Oliel : Les Juifs au Sahara. David Bensoussan

Q. À quand remonte la présence des Juifs au Sahara ?

R. Les premières incursions des Juifs en Afrique du Nord, bien antérieures à la Conquête arabe, remontent au temps des Phéniciens, ces navigateurs qui ont
commencé à fréquenter les côtes méditerranéennes du continent noir, tout comme en témoignent certains éléments épigraphiques et objets ouvrés retrouvés dans les ruines de Carthage. Ils seront rejoints par des milliers d’autres Juifs, persécutés et chassés au temps des Babyloniens et des Grecs, déportés et vendus dans les ports
africains sous l’empire romain.C’est à cette période, soit après la destruction du second Temple et surtout consécutivement aux guerres de Cyrénaïque (115 et 118), qu’un segment
relativement important de la population juiveest partie vers l’ouest, longeant l’Atlas saharien, pour en fin de compte se disperser dans le Mzab, le Touat, le Dra’ et le
Sous. L’exemple touatien, a sans doute été le modèle de réussite le plus étonnant.

Q. Que savons-nous du royaume juif du Touat ?

R. Le TOUAT, (TOUAT-GOURARA-TIDIKELT), est aujourd’hui une province du
Sahara algérien formant un quadrilataire de 400 km sur 120 km. Il se trouve à un millier de kilomètres de la Méditerranée, au sud de Tlemcen. Sa population, à
l’origine constituée de Haratine d’origine africaine, de Berbères et de Juifs a, grâce à son dynamisme, engendré la prospérité de cette région, devenue la plaque tournante
du commerce caravanier transsaharien aux XIIe et XIVe siècles.
Très peu connue, l’histoire de cette région nous fut révélée surtout après l’arrivée des Français, en 1900 et la collecte des récits des chroniqueurs arabes locaux – peu
suspects de complaisance – par A.G.P. Martini, qui permit de faire connaître quelques éléments de ce passé ressuscité :
– « Les Indigènes racontent que les ksour de Tamentit furent créés par les Juifs l’année de l’éléphant. C’est ainsi que les Arabes désignent l’année au cours de laquelle eut lieu l’expédition qu’Abraha, prince éthiopien, entreprit contre la Mecque pour renverser le temple de la Kaaba ; Abraha montait un éléphant blanc.»*
-« [Les] populations arabes trouvèrent dans ce pays une partie de celles qui l’avaient mis en culture dès le début : c’étaient les Beni Israël »
– d’après le voyageur Helal ben Messaoud, venu de Mossoul (Irak) au Touat en compagnie d’exilés juifs, (lequel) s’est arrêté en l’année 131 [748-749 apr. J.-C.] à Takhfif,
que les Juifs avaient déjà évacué; il amenait avec lui des commerçants juifs qui s’y installèrent et y résidèrent. Ils y trouvèrent mention sur les tombeaux des Juifs qui avaient abandonné ce pays, que ceux-ci y étaient arrivés en l’année 4429 de la sortie d’Adam […]. C’était vers l’an 5 après J.-C. que les Juifs en question étaient arrivés à Takhfif »iv
– Mon hôte, le Mrabet Sidi Youssef, avait appris de son aïeul que ces Juifs avaient été les premiers habitants du Touat et qu’ils y existaient comme nation en 260 [905]. J’ai pu voir moimême leurs synagogues et leurs boutiques à arcades». Évidemment, ces chroniques ne renseignent pas plus sur les périodes antérieures aux premières arrivées de Musulmans au Touat -à partir de 901- que les sources d’origine hébraïque, assez discrètes en général (en dehors de quelques pièces datées des XIV et XV° siècles) provenant des autorités rabbiniques d’Alger et qui attestent l’existence de relations entre les Juifs du Touat et les communautés de Tlemcen, d’Alger, de Sijilmassa, du Mzab, du Dra’…
Du reste, les éléments les plus probants ont été découverts hors du Touat, au cours du XX° siècle :
– La relation d’Antonio Malfante,* vice marchand génois envoyé à Tamentit en 1447 et qui reste l’unique témoin européen de la prospérité touatienne et du rôle joué
par les Juifs.
– La lettre d’Is’haq ben Ibrahim al Touaty (1235), trouvée dans la Guenizah du Caireviiet qui fait état d’un commerce caravanier transitant par Tamentit entre
Marrakech et Fustat-Le Caire, pour échanger safran, lingots d’or, et d’argent…, contre des perles, des foulards, des tapis…
– La stèle*viiide Mimoun ben Shmouel, ben Braham, ben Kouby, gravée en hébreu en 1390 et mise au jour à Tamentit en 1988.
– Quelques toponymes toujours en usage, et qui sont soit d’origine hébraïque (Fenoughil , en  arabes et rappelant la présence juive (Ksar Lihoud, Rjem Lihoudi, Theirat Lihoud…)
– Cette formule «le temps des Juifs », dont se servent encore les Musulmans, pour évoquer la splendeur passée, l’abondance…
– A travers tout le Sahara, les nombreux descendants des rescapés qui conservent le souvenir de leurs origines juives : Daga, Ida Ous’haq, Enaden…
– Le nom Tabeski (dérivé de Pessah) qu’ils ont donné à la plus importante fête musulmane.
– Sur tous les continents, les descendants des Juifs touatiens qui portent les patronymes Abani, Gourari, Tamesti, Touati (variantes : Ettouati, Touitou…),
Zenati …
– Ceux qui continuent à l’occasion de la fête de Pessah, à émettre le vœu, de se retrouver « L’an prochain à Tamentit », au lieu du classique « l’an prochain à
Jérusalem »…
Jacob OLIEL

 

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