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crispations identitaires

Voilà la dernière arme rhétorique, notamment mais pas seulement défendue par
l’extrême-droite française, pour dénigrer les militants anti-discriminations et leurs potentiels excès.
Le RN, lui, vient d’annoncer la création d’une association pour lutter « contre le poison wokiste ». Organisation de réunions non mixtes, inter-sectionnalité, débats sur la trans-identité, cancel culture… La crainte que les idées et pratiques issues d’une certaine gauche américaine viennent saper l’idéal républicain français est-elle vraiment justifiée ? Enquête sur cette peur bien française, symptomatique d’une polarisation croissante de notre société.
Études de genre et post-coloniales
C’est dire l’ampleur des crispations identitaires actuelles. La dénonciation du wokisme
n’étant qu’un des stigmates d’un débat public de plus en plus polarisé, hystérisé même, en France et ailleurs en Occident autour de ces questions sociétales. Et le monde de l’université reste, en effet, largement en ligne de mire. « Depuis quelques années, je vois de plus en plus d’étudiants opter pour des sujets d’abord en lien avec leur problématique identitaire : je suis d’origine kurde, j’étudie les migrations kurdes en France, je suis lesbienne, j’étudie la condition des femmes homosexuelles, etc. Si bien que leur cas personnel reste parfois au cœur de leur objet d’étude. Comme si seule leur expérience de vie pouvait consacrer leur légitimité à traiter de ces questions», remarque Olivier Roy, politologue, auteur du livre l’Aplatissement du Monde (2022, Seuil). À l’image peut-être de ces fameuses réunions non mixtes – réservées aux seuls étudiants noirs ou musulmans – déjà tenues dans certaines universités ? Dernière polémique en date : l’organisation en 2021 par le syndicat UNEF de tels meetings anti-racistes décriés par une large frange de la classe politique, à droite comme à gauche…
Pour le professeur François Cusset, « ces situations montrent surtout que notre jeunesse est bien plus sensible et mobilisée contre les discriminations que la précédente. Évidemment, il peut parfois y avoir des dérapages, des étudiants qui manquent in fine de recul. D’autres peuvent aussi avoir des difficultés à prononcer tel ou tel mot en classe, comme négro, même lorsqu’il provient d’écrits d’intellectuels de souche africaine, à l’instar de William Du Bois, grand penseur de la question raciale !
Des anecdotes, pour certaines, malheureusement montées en épingle… » D’autant que quelques tweets de jeunes contestataires n’équivalent en rien aux travaux de recherche quels qu’ils soient ! « Il est impératif de faire le distinguo entre les actions militantes d’une part et les études de genre ou post-coloniales d’autre part qui ont, quoiqu’on en dise, toute leur légitimité», complète Michel Wieviorka.
Pour autant, certains politologues engagés n’en sont pas moins visés par de tels amalgames savamment entretenus. « Certes, j’assume une forme d’engagement public sur les questions de race et de genre. Est-ce pour cela que certains collègues m’ont déjà accusée de faire le lit des terroristes simplement parce que je suis dans une perspective inter-sectionnelle ? Ces procédés sont grossiers et grotesques. Je n’ai pas à leur démontrer que mes travaux sont menés, comme les leurs, via l’appui d’outils strictement scientifiques », confie une maîtresse de conférences, sous couvert d’anonymat.

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