Appels à contributionsBibliographies/LiensCommunautés AfricainesCoopération Israel-AfriqueDossiers accessible à tousFiches biographiques

Albert Einstein et les droits civiques aux USA

Albert Einstein a visité l’Université Lincoln en 1946. Lincoln University a été fondée en 1854 sous le nom d’Ashmun Institute et elle est devenue l’université historiquement noire aux États-Unis pour délivrer des diplômes officiels. Le scientifique lauréat du prix Nobel a dit : « La séparation des races n’est pas une maladie des gens de couleur. C’est une maladie des Blancs. Je n’ai pas l’intention de me taire. »
[HBCU: Historically black colleges and universities. Les universités traditionnellement noires sont des institutions d’éducation supérieure aux États-Unis. Elles furent créées avant 1964 avec l’objectif de servir la communauté noire NdT]
De la Gazette de Harvard : « En 1946, le prix Nobel de physique s’est rendu à l’Université Lincoln en Pennsylvanie, l’alma mater de Langston Hughes et Thurgood Marshall et la première école en Amérique à délivrer des diplômes universitaires aux Noirs [Désigne leur université pour les étudiants qui en sont issus NdT]. À Lincoln, Einstein a prononcé un discours dans lequel il a qualifié le racisme de « maladie des Blancs » et a ajouté : « Je n’ai pas l’intention de rester silencieux à ce sujet. Il a également reçu un doctorat honorifique et a donné une conférence sur la relativité aux étudiants de Lincoln. » »
La raison pour laquelle la visite d’Einstein à Lincoln est si peu connue est qu’elle a été largement ignorée par la presse grand public, qui couvrait régulièrement les discours et activités d’Einstein. (Seule la presse noire a largement couvert l’événement.) La visite de Lincoln n’est également mentionnée dans aucune des biographies ou archives majeures d’Einstein.
En fait, de nombreux détails importants sur la vie et l’œuvre d’Einstein manquent dans les nombreuses études dont il a fait l’objet, et particulièrement en ce qui concerne son opposition au racisme et ses relations avec les Afro-Américains.
Fred Jerome et Rodger Taylor, auteurs de « Einstein on Race and Racism » [Einstein à propos de la race et du racisme] (Rutgers University Press, 2006), affirment qu’il faut reconnaître et corriger ces omissions. Jérôme et Taylor ont pris la parole le 3 avril lors d’un événement parrainé par le W.E.B. Du Bois Institute for African and African American Research. Sylvester James Gates Jr, professeur de physique de l’Université du Maryland, a également pris la parole lors de l’événement. [William Edward Burghardt Du Bois dit W. E. B. Du Bois est un sociologue, historien, militant pour les droits civiques, militant panafricain, éditorialiste et écrivain américain NdT]
Selon Jérôme et Taylor, les déclarations d’Einstein à Lincoln n’étaient nullement un cas isolé. Einstein, qui était juif, a été sensibilisé au racisme par les années de menaces et de harcèlement d’inspiration nazie qu’il a subies pendant son mandat à l’Université de Berlin. Einstein était aux États-Unis lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir en 1933 et, craignant qu’un retour en Allemagne ne le mette en danger de mort, il décida de rester en acceptant un poste à l’Institute for Advanced Study à Princeton, New Jersey et devint citoyen américain en 1940.
Bien qu’Einstein ait été reconnaissant d’y avoir trouvé refuge, sa gratitude ne l’a pas empêché de critiquer les manquements éthiques de son nouveau foyer.
« Einstein s’est rendu compte que les Afro-Américains de Princeton étaient traités comme les Juifs d’Allemagne », selon Taylor. « La ville était strictement ségréguée et il n’y avait pas de lycée où les Noirs pouvaient aller jusqu’en 1940. »
La réponse d’Einstein au racisme et à la ségrégation dont il fut témoin à Princeton (Paul Robeson, né à Princeton, l’appelait « la ville la plus septentrionale du Sud ») fut de cultiver des relations dans la communauté afro-américaine de la ville. Jérôme et Taylor ont interviewé des membres de cette communauté qui se souviennent encore de la tête aux cheveux blancs et ébouriffés d’Einstein se promenant dans leurs rues, s’arrêtant pour discuter avec les habitants et distribuant des bonbons aux enfants locaux.
Une femme se souvient qu’Einstein a payé les frais de scolarité d’un jeune homme de la communauté. Un autre a dit qu’il a invité Marian Anderson à rester chez lui lorsque la chanteuse s’est vu refuser une chambre à l’auberge Nassau.
Einstein a rencontré Paul Robeson lorsque le célèbre chanteur et acteur est venu se produire au McCarter Theatre de Princeton en 1935. Ils ont découvert qu’ils avaient beaucoup en commun. Tous deux étaient préoccupés par la montée du fascisme et tous deux ont apporté leur soutien aux efforts visant à défendre le gouvernement démocratiquement élu d’Espagne contre les forces fascistes de Francisco Franco. Einstein et Robeson ont également travaillé ensemble sur la Croisade américaine pour mettre fin au lynchage, en réponse à une recrudescence des meurtres raciaux alors que les soldats noirs rentraient chez eux après la Deuxième Guerre mondiale.
L’amitié de 20 ans entre Einstein et Robeson est une autre histoire méconnue, selon Jérôme, mais cette omission pourrait bientôt être rectifiée. Un film est en préparation sur cette relation, avec Danny Glover dans le rôle de Robeson et Ben Kingsley dans le rôle d’Einstein.
Einstein continua à soutenir les causes progressistes tout au long des années 1950, jusqu’à ce que la pression de la chasse aux sorcières anticommunistes rende cela dangereux. Einstein fit usage de son prestige pour aider un Afro-Américain éminent en 1951, lorsque W.E.B. Du Bois, 83 ans, fondateur de la NAACP, fut accusé par le gouvernement fédéral de ne pas s’être enregistré comme « agent étranger » pour avoir relayé la pétition de paix pro-soviétique de Stockholm. Einstein offrit de comparaître comme témoin de moralité pour Du Bois, ce qui a convaincu le juge d’abandonner l’affaire.
Gates, un physicien afro-américain a dit sur l’émission Nova de PBS, qu’Einstein avait été un de ses héros depuis qu’il a appris la théorie de la relativité durant son adolescence, mais qu’il n’était pas au courant de ses positions sur les droits civiques jusque récemment. Gates raconte que l’approche d’Einstein à l’égard des problèmes de physique consistait d’abord à poser des questions très simples, presque enfantines, telles que : « À quoi ressemblerait le monde si je pouvais conduire le long d’un faisceau de lumière ? »
« Il a dû développer ses idées sur la race à travers un processus similaire. Il était capable de poser la question : « A quoi ressemblerait ma vie si j’étais noir ? » »
Gates a déclaré que réfléchir sur l’implication d’Einstein dans les droits civiques l’avait amené à spéculer sur la valeur de l’action positive et sur le but de la diversité qu’elle vise à promouvoir. Dans de nombreux cas, la force et la résilience d’un système peuvent être attribuées à la diversité.
« Dans le monde naturel, par exemple, lorsqu’une population est sous l’influence d’un environnement stressant, la diversité assure sa survie », a dit M. Gates.
Sur le plan culturel, l’influence mondiale de la musique populaire américaine pourrait être attribuée au fait qu’il s’agit d’un amalgame de traditions musicales européennes et africaines.
Ces exemples l’ont amené à conclure que « la diversité compte réellement, indépendamment de l’argument moral ». Gates dit qu’il croit qu’« il y a une science de la diversité qui attend d’être découverte par les chercheurs. »

Sources :
Ken Gewertz, « Albert Einstein, Civil Rights Activist » (« Albert Einstein, Militant des droits civiques »), Harvard Gazette, 12 avril 2007.

No Comments Yet

Leave a Reply

Your email address will not be published.