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A la recherche des tefilin perdus… Elie Kling

« L’Assemblée d’Israël a alors demandé à D.ieu: Maitre du monde, tous ces miracles que Tu as accomplis pour nous par l’intermédiaire de Cyrus (qui autorisa le retour des exilés à Jérusalem), n’aurais-tu pas dû les accomplir par l’intermédiaire de Daniel ou d’un autre tsadik? » (Midrash Rabba sur le Cantique des cantiques)
Mardi 11 Mai 1948, Tel Aviv, midi. Les dirigeants du Mapai se réunissent pour décider s’il faut maintenir la décision de proclamer l’indépendance comme prévu vendredi. Plus les heures passent, plus les mauvaises nouvelles s’accumulent : Golda rentre d’Aman où elle a rencontré dans le plus grand secret le roi Abdallah. Malgré ses engagements passés, celui-ci lui annonce qu’il participera à la grande invasion des armées arabes prévue pour le 15, dès que le dernier soldat britannique aura quitté le sol de Palestine. Il faudra donc compter avec la fameuse Légion arabe, l’armée la mieux entrainée et la mieux équipée de la région ! Après Golda, c’est Sharett qui fait enfin son apparition. Il revient de Washington. Ben Gourion l’avait envoyé rencontrer Georges Marshall, le secrétaire d’Etat, responsable du fameux plan de reconstruction de l’Europe qui porte son nom. Or Marshall n’a pas mâché ses mots : « vous pensez probablement qu’Abdallah ne bougera pas. Détrompez-vous ! Et lorsque vous serez en détresse, ne venez pas pleurer que nous ne vous avions pas prévenus. Ils vont vous massacrer. Repoussez la déclaration d’indépendance, demandez un cessez le feu et nous tacherons de trouver un compromis acceptable avec les arabes ». Sharett ne peut s’empêcher de dire à Ben Gourion: « et je pense qu’il a raison ».
La Légion n’attendra pas le 15. Mercredi 12, ses forces se dirigent déjà vers Goush Etsion . Au nord de Tel Aviv, la « direction du peuple » se réunit à son tour. Les chefs de la Hagana, Israël Galili et Ygal Yadin font le point sur le rapport des forces en présence sans rien cacher de la terrible supériorité militaire arabe. Militairement parlant, il ne fait aucun doute qu’il vaut mieux demander un cessez le feu et repousser la déclaration mais la décision n’est pas seulement militaire, conclut Yadin.
Mercredi soir. Cela va faire trente heures maintenant que l’on débat. Il faut passer au vote. Pour ou contre. Les nouvelles du front arrivent en cascade. La route vers Jérusalem est toujours bloquée. Goush Etsion se bat héroïquement mais ne tiendra plus longtemps. L’avenir de Yaffo est incertain. Les combats font rage dans tout le pays. L’Egypte menace de bombarder Tel-Aviv. Les troupes irakiennes et syriennes, massées à la frontière, se préparent à l’invasion. Ben Gourion prend finalement la parole. « Dans l’histoire des peuples, il y a des moments de grâce qui ne reviendront plus. Si nous repoussons la déclaration à une date ultérieure, qui sait quand l’occasion se représentera. Mon intuition est qu’elle ne se représentera pas. Et le peuple juif ne nous le pardonnera jamais ». Finalement, la décision de proclamer la naissance d’Israël est prise. A une voix près. Et c’est le premier miracle.
Le 14, avant Shabbat, l’état d’Israël est proclamé et aussitôt reconnu par les Etats-Unis et l’Union soviétique, pour une fois d’accord. C’est un second miracle. Rav Soloveitchik écrira peu après qu’il soupçonne que c’est la raison principale pour laquelle « le machin », comme l’appelait De Gaulle a été créé : « je ne me souviens pas que les 2 super-puissances se soient mises d’accord pour un autre grand projet ! A croire que la Hashgaha a mis en place cette institution uniquement pour ça ! ». Le troisième miracle, c’est que la guerre d’indépendance sera gagnée. Et depuis 70 ans, le rêve éveillé continue et les miracles se succèdent : les 600000 Juifs de 1948 sont devenus plus de 6 millions. Le rassemblement des exilés prévu par nos prophètes se réalise chaque jour. La terre redonne ses fruits. Israël devient une puissance économique et technologique et c’est à nouveau « de Sion que sort la Thora et la parole de Dieu de Jérusalem », puisque le nombre des étudiantes et étudiants de la Thora n’a jamais été aussi élevé en Erets Israël depuis la conquête du Pays par Josué ! Or ni Ben Gourion, ni Sharett, ni Yadin, ni Galili ne mettaient les Tefilin tous les jours. Pas même Golda, semble-t-il…! Pourquoi donc le maitre du Monde et de l’Histoire a-t-il choisi pour réaliser tous ces miracles des hommes et des femmes qui avaient pour la plupart oublié le chemin de la synagogue ? Plus généralement, pourquoi la génération du début de la Rédemption semble globalement si éloignée de la traditionnelle pratique des mitsvot? N’y avait-il pas eu des générations plus méritantes par le passé?
Voici la piste que nous propose Maimonide : « Sache que ce n’est pas la quantité des mérites ou des fautes qui importe mais leur valeur respective. Un mérite peut être équivalent a plusieurs fautes et une faute peut contrebalancer plusieurs mérites… Seul Dieu connait la valeur des unes comme des autres » (Lois sur la Techouva 3, 12). Prenez le roi Ahav, par exemple. Idolâtre assumé, assassin redoutable, n’est-il pas dit de lui qu’il a réussi à « irriter Dieu plus que n’importe lequel des rois qui l’ont précédé » ? Et pourtant le Talmud juge qu’il a droit au monde à venir à cause de son attitude courageuse le jour de sa mort (Sanhedrin 104b). En effet, lors de sa dernière bataille contre l’Assyrie, atteint par une flèche de l’ennemi, il restera debout sur son char, maitrisant sa souffrance, cachant sa blessure, afin de ne pas mourir devant ses hommes et de ne pas provoquer ainsi la défaite ! (Moed Katan 28b et Rachi). Quant à son père Omri qui accéda au pouvoir par un violent coup d’état et qui eut lui aussi, une conduite déplorable vis-à-vis de Dieu, le mérite grâce auquel il put maintenir sa royauté, c’est d’avoir bâti Shomron, une nouvelle ville en Erets Israël. C’est en tout cas, l’avis de Rabbi Yohanan dans Sanhedrin 102b. Et que dire de cet autre roi idolâtre, Jéroboam Ben Yoach, qui mena le pays de victoire en victoire ? « Il rétablit la frontière d’Israël depuis les environs de Hamat jusqu’à la mer de la Plaine, accomplissant ainsi la parole de l’Eternel, Dieu d’Israël, énoncée par son serviteur Jonas fils d’Amittaï, le prophète. » (Rois II, 14, 25). Et comment un tel roi fut-il choisi par Dieu pour être l’instrument de la réalisation de la prophétie de Jonas ?! Réponse au verset suivant : « L’Eternel avait vu la misère extrême d’Israël, son manque de ressources, sans personne pour lui prêter assistance. Ne voulant pas effacer le nom d’Israël de dessous des cieux, l’Eternel leur porta secours par la main de Jéroboam, fils de Yoach ». De ces précédents bibliques, on apprend donc que même des idolâtres peuvent être choisis pour diriger Israël. La capacité à se dévouer pour le peuple, la construction de nouvelles agglomérations en Israël ou tout simplement la volonté divine de ne pas abandonner ses enfants dans les moments difficiles de leur histoire, tout cela suffit pour que Dieu choisisse des Omri, des Ahav ou des Jéroboam pour diriger Israël et le mener à d’impressionnantes victoires. Les Ben Gourion, les Golda et les Yadin n’étaient certes pas des idolâtres, loin de là ! Mais d’Herzl à Netanyahou, il faut bien convenir que les dirigeants d’Israël ne sont pas non plus tous des piliers de synagogue ! Leurs mérites sont ailleurs : ils rebâtirent le pays avec une impressionnante abnégation, ils risquèrent leur vie pour celle de leur peuple avec un incroyable courage et ils cherchèrent à redonner espoir et dignité aux enfants d’Israël affaiblis et humiliés par des siècles de persécutions et de pogroms ! Lorsque Moise dut choisir les 70 hommes qui formeront la direction du peuple à ses côtés, il prit ceux qui, en Egypte, s’étaient interposés pour recevoir les coups à la place du peuple, « pour t’enseigner, dira le midrash, que pour Dieu, leur mérite est comparable à celui de Moise (Tanhouma sur Baalotekha) ! Moise lui-même fut choisi parce qu’il s’était levé pour défendre l’hébreu que persécutait l’égyptien ! Qui sommes-nous pour juger les dirigeants actuels indignes d’être les instruments de la réalisation des antiques prophéties ? C’est le Gaon de Vilna qui aura ces paroles sévères et catégoriques : « Dieu a horreur de tous ceux qui se font les procurateurs de ses enfants. Même lorsque parfois ces accusateurs sont des saints !  » (Tikouné Zohar 21).
Peu de temps après la guerre des 6 jours, le Rav Néria rencontra le célèbre Rav Arié Lévine, le « rav des combattants internés » à l’époque du mandat britannique, près du Kotel : « Si Dieu a pu nous faire un tel cadeau alors que nous ne le méritons certainement pas, on peut raisonnablement espérer que d’autres miracles suivront prochainement », lui dit-il. « Ne parle pas comme cela, lui répondit très doucement Rav Lévine. Seul l’individu a le droit de dire de lui-même qu’il n’est pas méritant. Mais aucun de nous ne peut évaluer à leur juste valeur les mérites de la Nation d’Israël et de ses dirigeants ».
Arrêtez-moi si je dis des bêtises…

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