L’histoire des juifs et du judaïsme en Afrique durant l’Antiquité n’a que peu retenu
l’attention des chercheurs. Aucune thèse, aucun travail scientifique d’ampleur ne leur a été consacré. Un tel désintérêt est d’autant plus étonnant que les sources permettant d’étudier les communautés juives d’Afrique sont relativement nombreuses et variées. Nous disposons ainsi de sources archéologiques, épigraphiques, littéraires et juridiques pour appréhender leur histoire. Aucune de ces sources n’est antérieure au IIe siècle de notre ère, et la plupart se rattachent à l’Antiquité tardive. Parmi ces sources, la littérature chrétienne africaine est celle qui fournit le plus d’informations sur les juifs d’Afrique ; elle devra donc retenir tout particulièrement notre attention. Si l’histoire des communautés juives africaines durant l’Antiquité tardive n’a été que peu étudiée, il ne s’agit pas pour autant d’un domaine de recherche totalement vierge. Ce sujet a été abordé dans quelques ouvrages de dimensions réduites ou alors par toute une littérature para-historique qui véhicule un certain nombre de théories invérifiables sur les juifs d’Afrique, comme par exemple celle de l’existence d’un important judaïsme berbère en Afrique à la veille de l’invasion arabe. Il sera donc nécessaire de revenir sur ces différents ouvrages et sur ces théories dans un bilan historiographique de la question qui permettra de mettre en perspective nos recherches. Quatre grands axes nous semblent devoir être retenus pour mener à bien une étude des juifs et du judaïsme en Afrique dans l’Antiquité tardive. Dans un premier temps, il conviendra de se pencher sur la localisation des communautés juives africaines, en tentant d’évaluer leur importance et de mettre en évidence d’éventuelles évolutions chronologiques au moyen des sources archéologiques, épigraphiques et littéraires – comme par exemple certains sermons d’Augustin – qui nous renseignent sur ce point. Un deuxième axe pourrait être consacré à l’étude de l’organisation intérieure et de la vie de ces communautés. C’est dans cette partie que seraient examinées la vie religieuse et la situation socio-économique des juifs d’Afrique. Nous devrons nous poser la question de l’insertion de ces communautés dans leur environnement, ainsi que celle de leurs évolutions. Tous les types de source pourront être mobilisés pour cette étude.
L’épigraphie s’avère ainsi indispensable pour étudier l’organisation intérieure des communautés, tandis que l’archéologie et les sources littéraires nous renseignent sur la situation socio-économique mais aussi sur les croyances religieuses des juifs d’Afrique. Enfin, les sources juridiques peuvent s’avérer utiles pour étudier la place des juifs dans la société africaine et son évolution. Un troisième axe de recherche serait consacré au problème de l’influence religieuse du judaïsme en Afrique, étroitement lié aux questions controversées du prosélytisme juif et du judaïsme berbère. Le phénomène des païens judaïsants, qui n’est pas spécifique à l’Afrique mais est bien documenté pour notre région, serait examiné dans cette partie, en s’appuyant essentiellement sur le témoignage des auteurs chrétiens africains et sur la législation impériale, qui évoque certains sectes syncrétistes africaines comme celle des Caelicoles. Enfin, le dernier axe de recherche concernerait les relations entre juifs et chrétiens d’Afrique, envisagées sous
tous leurs aspects. Pour étudier ces relations, qui s’inscrivent dans un contexte profondément transformé par la christianisation de l’Afrique, notre principale source est la littérature chrétienne africaine, qui doit être utilisée avec précaution. Une attention particulière devrait être apportée aux traités anti-juifs composés par des auteurs africains. Il conviendrait enfin d’étudier de près dans cette partie l’évolution de la législation impériale à l’égard des juifs africains, évolution due notamment à l’influence de l’Eglise sur les empereurs et qui se caractérise par une dégradation progressive mais continuelle du statut des juifs.
Le judaïsme en Afrique dans l’Antiquité tardive.
