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L’hétérophobie communautaire

L’actualité nous a fourni dernièrement des caricatures qui devraient nous interpeller car très représentatifs de phénomènes de société et franchement inquiétants . Et voir comment cette société envisage à l’avenir mettre fin à ces comportements. L’argument de la démocratie n’empêche pas qu’il soit aussi un « révélateur » inquiétant de dérives extrêmes.
En théorie, rien ne devrait justifier le racisme ou le sentiment d’exclusion , que ce soit contre des personnes, des religions ou les couleurs de peau. Cependant, la théorie ne prend pas ou peu en compte le facteur humain. Il nous faut admettre, en même temps, ces deux constats : le racisme est insoutenable, par n’importe quel esprit, même médiocrement doué, et il y a en nous quelque chose qui, presque malgré nous, nous pousse sous une forme ou sous une autre, à le soutenir. C’est contradictoire, embarrassant et assez terrible. Ce moteur inlassable, inusable est appelé : » l’hétérophobie ou la peur d’autrui ». Ce malaise diffus devant les autres, il est aussi difficile d’en rendre compte que de l’amour d’autrui, avec lequel, heureusement, il coexiste. C’est un fait aussi dense, aussi inesquivable. Ils essayent d’expliquer leur envie d’exclure par le fait d’avoir en face un inconnu différent et dangereux. Pourtant cette force, cette inclination à accuser autrui, à l’agresser, sous divers prétextes, nous la connaissons bien : nous en avons une très fréquente expérience, même si son contenu est confus, plus émotionnel que raisonnable. En gros, chaque fois qu’ils se trouvent devant un individu ou un groupe différent ou mal connu, ils en ressentent quelque malaise. Notre inquiétude peut nous pousser à adopter des attitudes de méfiance . Lesquelles n’excluent pas, du reste, des sentiments ambivalents, d’attente et d’espoir.
C’est pourquoi certains philosophes ont pu affirmer que l’homme est un loup pour l’homme, et d’autres que l’homme est plein d’amour pour l’homme : chaque partie a exprimé la moitié de la vérité. Plus grave : cette réaction, à base de peur et de concurrence, ne relève pas seulement du délire : elle a une fonction : elle fut et , en un sens, reste vitale pour l’espèce humaine. Pour survivre, l’homme a dû souvent défendre son intégrité et ses biens, et, à l’occasion, s’approprier ceux d’autrui, biens mobiliers et immobiliers, aliments, matières premières, territoires, femmes, biens réels ou imaginaires, religieux, culturels et symboliques. De sorte qu’il est à la fois agresseur et agressé, terrifiant et terrifié. Car, puisque chacun en fait autant, on ne sait plus où commence ce cercle infernal de la défense et de l’agression. Cela fait partie de notre histoire et de notre mémoire collective. Ce refus terrifié et agressif d’autrui de la part de est exactement le racisme. Mais le racisme est une élaboration discursive, une justification de ces émotions simples. Il m’a semblé nécessaire de distinguer ces deux niveaux et de les nommer différemment. Sinon, personne n’avouerait son hétérophobie, avec laquelle nous devons pourtant composer pour mieux exorciser le racisme. Inutile de soupçonner et d’accuser tout le monde : sommes-nous tous racistes ? Non, mais nous sommes tous exposés à l’hétérophobie. Le racisme vient se greffer sur ce fond commun et se singularise selon la tradition culturelle de chacun, et la victime occasionnelle qu’il rencontre. C’est la société, notre langage, notre littérature, qui nous proposent complaisamment des moules, des casiers déjà préparés où ranger nos émotions. Inquiets, malgré nous, devant un homme aux traits asiatiques, nous puisons spontanément dans les figures négatives de Chinois ou de Japonais que nous offrent la littérature ou le cinéma. Idem pour les Juifs ou les Arabes, ou même pour les femmes. Sommes-nous déroutés devant une femme ? Les stéréotypes de la garce, de la vamp, ou même de la sorcière, sont aussitôt à notre disposition. Cet aspect conjoncturel, culturel, du racisme ne le rend pas moins dangereux, car nous le suçons, tous ou presque, dès notre première gorgée de lait, nous l’avalons avec nos premières tartines, à l’école et dans la rue, dans les préjugés familiaux, dans les livres, les films, et même dans les religions. Mais si le racisme est social et culturel, l’hétérophobie est une donnée animale. Le racisme une misérable machine de mots pour justifier notre hétérophobie et en tirer profit. Discours aberrant et intéressé de l’hétérophobie, le racisme n’est qu’une illustration particulière d’un mécanisme plus vaste qui l’englobe. Le discours raciste a su évoluer. Désormais ce n’est pas la « race » au sens biologique que le raciste protège, mais sa culture et ses valeurs qu’il croit en danger. Autrui, par son étrangeté, fait peur. Puisqu’il est impossible à connaître, autrui doit disparaître, soit en l’excluant et en le diabolisant, soit au contraire en l’assimilant.
La réalité du racisme est donc plus complexe qu’elle y paraît.
Si le racisme résulte, de certains phénomènes sociaux, comme les crises, la pauvreté ou la guerre, cela ne suffit pas à expliquer comment il se forme. Phénomène inhérent à la nature humaine, le racisme est une croyance qui assimile certains comportements et certaines valeurs à un groupe social. Les racistes pensent ainsi que tous les Juifs sont avares et que tous les Noirs sont paresseux. En psychologie sociale, les études sur ces stéréotypes sociaux montrent qu’ils sont si ancrés dans la société qu’ils influencent tous les individus, même les moins racistes. D’une manière ou d’une autre, personne n’échappe aux discriminations.

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