La couleur de peau, loin d’être le simple indicateur physiologique du taux de mélanine, peut être encodée par des appareils idéologiques et philosophiques extrêmement complexes. De simple marqueur empirique, la couleur de peau passe alors à l’état de symbole, de valeur ou de signifiant. Le juif Noir peut ainsi dénoter : le *balagan* par rapport à une communauté hypothétique comme dans la philosophie buffonienne, l’oppression manifeste du système européen comme dans l’analyse psychosociologique.
Juif Noir comme identité.
Cette illusion transcendantale – que l’on pourrait, sans craindre le paradoxe, qualifier de paranoïa. C’est celle selon laquelle l’histoire juive et son sujet européen maîtriseraient ou programmeraient les conditions de leur propre devenir de la communauté juive historique et géographique. Le juif Africain porterait donc en lui la possibilité critique d’une mise en question du cadre idéaliste de l’anthropologie moderne tels furent les Lumières, c’est-à-dire de la croyance en une totalité humaine à la fois ordonnée hiérarchiquement et orientée selon un devenir unitaire (Nation, Peuple, Etat, Communauté). Dans une certaine mesure, l’avènement de l’ethnologie qui prend justement pour objet les « peuples non historiques » opère un retour critique relatif aux présupposés idéalistes humanistes de l’Histoire du savoir. Plus fondamentalement encore le juif africain signifierait le mythe par l’anthropologie philosophique occidentale, de la possibilité d’une histoire (mais aussi d’une géographie) à dimension humaine qui ne contiendrait pas déjà toutes ses interprétations comme autant de traces redondantes de son propre passé. En somme, ce que l’anthropologie occidentale occulte sous sa représentation de l’Afrique, c’est l’éventualité proprement invisible d’un futur qui ne soit pas toujours déjà tracé d’avance et d’un espace qui ne soit pas d’emblée à rendre objet ou à (re)découvrir, la possibilité d’une histoire (ou d’une géographie) « immatérielle » qui ne réfléchisse pas indéfiniment à ses propres conditions herméneutiques, ni ne détourne les catégories de l’hypothèse d’une histoire celle de l’anthropo-logo-centrisme européen.