FJN : Jacques Litvine, Pouvez-vous présenter en quelques mots ?
JL : Mes grands parents paternels sont de Pinsk (Biélorussie). Mon grand-père a déserté l’armée du tsar en 1909 avec son beau-frère et ils ont voulu venir vivre en Paris. Arrivée à Vienne, on leur a volé tous les papiers. Ils sont venus à pieds et sont arrivés en France en 1910 au moment de grandes inondations de Paris. Le reste de la famille les a rejoint six mois plus tard avec un bébé garçon. Du côté de ma grand-mère, ils sont arrivés de Varsovie (Pologne) après la première guerre mondiale. Et moi, je suis né au lendemain de la seconde guerre mondiale comme fils unique. En 1950, nous avons émigré de Paris aux Etats-Unis en partant sur un bateau de troupes hollandaises. En 1959, nous sommes revenus définitivement en France. En 1965, j’ai effectué mon service militaire à Madagascar. Je suis architecte de Formation. Depuis ma retraite, je fais du bénévolat au sein de la communauté (OSE, AMEJD13…)
FJN : Qu’est ce qui peut amener un ashkénaze à s’intéresser autant aux juifs noirs ?
JL : Tout ce qui est juif m’intéresse. La FJN est une aventure intéressante puisque c’est une communauté en construction.
FJN : Avez vous une idée sur les origines de juifs noirs ?
JL : Pas vraiment. Toutefois, il apparaît que les juifs noirs soient rejetés par les autres groupes juifs qui se rejetent mutuellement à leur tour.
FJN : Et pourtant vous avez entendu et vu les juifs éthiopiens ?
JL : La première fois que j’étais confronté aux juifs noirs, c’est fut pendant mon service militaire à Madagascar et j’ai aussi suivi attentivement le parcours étonnant et déterminé des juifs éthiopiens qui ont payé un lourd tribut pour venir s’installer en Israël avec de gros problèmes d’intégration. Dans la Thora, il y a eu toujours un rapprochement entre l’Africain et l’Hébreu. Sans aucun doute.
FJN : Quand vous dites que les éthiopiens ont eu de gros problèmes d’intégration, sont-ils les seuls dans ce cas là ?
JL : Absolument pas. L’origine des communautés est diverse et automatiquement, leur façon d’être est influencée par leur environnement (les ashkénazes ressemblent à des européens et russes, les séfarades aux espagnoles et turcs, les juifs d’Afrique du nord aux arabes…) A ce propos, lors des pogroms de 1881 jusqu’à la première guerre mondiale, environ deux millions des juifs ont émigré aux Etats-Unis où vivaient déjà deux cent cinquante mille juifs allemands. Ceux derniers ont tout fait pour les refouler. C’est Emma Lazarus qui a sauvé la situation (son poème est gravé sur le socle de la statue de liberté). Rien d’étonnant à ce qui arrive à la FJN.
FJN : Trouvez-vous que les juifs noirs sont réjetés par les autres ?
JL : Je n’utiliserai pas le mot « rejet » mais plutot le mot « incompris ». D’une part parce qu’ils sont noirs et d’autre part on le connaît depuis peu de temps. C’est plus ça qu’autre chose.
FJN : Vous pensez que la « pauvreté des noirs » y joue un rôle dans cette incompréhension ?
JL : La pauvreté est une maladie israélite. C’est une constante dans l’histoire des juifs (La pauvreté d’argent et des moyens). Un secours moral de la part de nos coreligionnaires serait capital.
FJN : Que faut-il faire dans ce cas là ?
JL : ( Premièrement, ils faut une grande dose d’humour), la communauté juive noire devrait être tolérante entre elle c’est-à-dire elle doit faire un travail interne.
Ensuite, impliquer tout le monde pour mieux se souder y compris les enfants, les femmes et ceci de manière régulière non pas seulement pendant les fêtes. Exemple, préparation à la bar-bat-mitsva, les actions sociales, la cuisine ou la préparation de la nourriture pour les femmes. (Rire) Cette uniformisation ne doit pas faire oublié à chacun sa culture car il n y a pas un noir africain mais des africains noirs y compris ceux qui ne le sont plus de loin (les antillais et les enfants nés hors d’Afrique).
FJN : Hormis les éthiopiens, avez-vous entendu parler des Lembas, Igbo, Abayudaya … ?
JL : A mon grand étonnement, on trouve des minorités qui sont d’origine hébraïque mais ici on parle des êtres humains et non de l’adoption des animaux. Ma réponse est simple : « Nous sommes tous des Khazars ». Je leur dis « bienvenus », tous ceux qui adoptent les 613 mitsvoth sont les bienvenus.
FJN : Avez-vous un dernier mot ?
JL : J’ai passé une grande partie de ma vie à apprendre et essayé de comprendre. Mon devoir maintenant est de transmettre et être disponible auprès de toute la communauté. Ca devrait être le but de tout un chacun d’entre nous d’en faire autant.
FJN : Jacques LITVINE, merci.